Ski de fond

Comme Carey Price

En voyant le presque sourire d’Alex Harvey et son regard déterminé pendant la course, l’entraîneur Louis Bouchard a pensé à Carey Price. À cette fois, au printemps dernier, où il avait demandé à ses fondeurs d’observer le comportement du gardien du Canadien lors d’un match des séries. Confiant, inébranlable.

« Ça paraissait dans ses yeux », a raconté Bouchard, hier, après le skiathlon des Mondiaux de Falun. « Alex était comme ça quand il courait aujourd’hui. Il atteint son maximum. Il n’y a pas de doute, il est au top. »

L’apport de l’équipement est aussi indéniable. Après le fiasco des Jeux olympiques de Sotchi, les techniciens « se sont retroussé les manches », aux dires de Bouchard. Les discussions ont parfois été houleuses, mais chacun y a mis du sien. « Les gars ont trouvé le truc », s’emballe le coach, qui participe lui-même au fartage des skis.

Avec l’argent jeudi et le bronze hier, Harvey a doublé son total de médailles aux Mondiaux. Après les efforts consentis, il a décidé de passer son tour pour le sprint par équipes d’aujourd’hui. Il reviendra en piste vendredi pour le relais 4 x 10 km, qui lui servira surtout de préparation pour le 50 km classique du 1er mars. « En classique [au skiathlon], je me sentais mieux qu’il y a deux jours [au sprint]. Ça donne vraiment confiance pour le 50 », a dit Harvey, qui rêve à cette course depuis le printemps.

Ski de fond

L’empreinte Harvey

Avec le bruit assourdissant, Alex Harvey ne s’entendait pas souffrir dans la Mördarbacken. Inutile pour son entraîneur, posté dans la « colline meurtrière », de crier des encouragements. Louis Bouchard espérait seulement que son fondeur recolle aux trois meneurs avant d’entrer dans le stade. Il y est parvenu de justesse. Au loin, le coach l’a vu fondre sur le troisième…

Deux jours après sa médaille d’argent au sprint classique, Harvey a gagné le bronze au skiathlon des Championnats du monde de Falun, hier. La couleur est différente, mais la satisfaction, encore plus grande. « Parce que ç’a été une grosse bataille », confiait-il une heure plus tard au téléphone. 

« À l’arrivée, je ne sentais plus mes jambes. J’étais vert ! »

— Alex Harvey

Si le Canadien a été opportuniste au sprint, il a pris le skiathlon à bras-le-corps, marquant de son empreinte cette épreuve de 30 kilomètres partagée entre les styles classique et libre.

Devant plus de 50 000 partisans suédois et scandinaves, le Russe Maxim Vylegzhanin a remporté l’or en résistant au retour du tenant du titre et champion olympique Dario Cologna, lors du sprint final. Si, à quatre kilomètres de l’arrivée, le Suisse a dynamité le groupe de tête avec une accélération tranchante au pied de la Mördarbacken, Harvey a imposé le rythme pendant la majeure partie de la course.

En classique, le fondeur de Saint-Ferréol-les-Neiges s’est tenu à l’affût pendant les trois tours, prêt à en découdre avec quiconque. Quand le Français Jean-Marc Gaillard et le Suédois Lars Nelson ont pris la fuite, il a lui-même bouché le trou. Il a ensuite attendu des attaques d’autres favoris, qui ne sont jamais venues. 

« J’aurais pu partir seul, mais c’était un scénario un peu suicidaire. J’en ai gardé sous le pied un peu. » Le Norvégien Petter Northug, gagnant du sprint jeudi, a semblé peiner un peu.

À L'AVANT DU GROUPE

Premier à sortir de la zone de transition à mi-course, Harvey a continué à mener le groupe de tête en pas de patin. Cette fois, « c’était de la psychologie inverse », a-t-il souri.

Ses jambes le faisaient souffrir. Plutôt que de subir le tempo de ses rivaux, l’athlète de 26 ans a effectué la première montée en tête, quitte à skier le plus large possible, et il a louvoyé un peu pour décourager les dépassements. À un certain moment, on a vu son entraîneur Louis Bouchard lui demander de recoller à l’intérieur, où la surface était plus ferme, donc plus rapide.

« Quand tu es en avant, tu décides de la vitesse à laquelle tu montes les côtes », a souligné Harvey, qui doit composer avec un problème vasculaire aux artères fémorales (1). Quand le Suédois Marcus Hellner a haussé le rythme au deuxième passage à la « colline meurtrière », le Québécois s’est seulement assuré de garder contact avec le groupe de tête.

Cologna a été plus incisif au troisième et dernier tour. Northug (11e) ne s’est plus montré. Seul Vylegzhanin a pu s’accrocher. Toenseth a réussi à revenir un peu plus loin. Harvey est resté en retrait avec le Français Maurice Manificat : « [Cologna] a ouvert un écart, mais ce n’était quand même pas insurmontable. Je les avais encore en vue. »

Armé de skis exceptionnels – « les meilleurs du groupe » –, Harvey savait que les deux derniers kilomètres, moins inclinés, lui seraient favorables. Il s’est abrité derrière Manificat dans une descente avant de se projeter vers le trio de tête, qu’il a rejoint en entrant dans le stade.

Agile dans les courbes sur neige molle, Vylegzhanin s’est donné un coussin suffisant pour filer vers un premier titre après six médailles d’argent mondiales et olympiques. Quatrième au sortir du virage ultime, Harvey savait Cologna inatteignable. En serrant les dents, il a pu reprendre le petit Tonseth à une cinquantaine de mètres du fil, le traversant 1,6 seconde après le gagnant.

« J’étais vraiment toasté », a admis le médaillé de bronze. « Avec les jambes que j’avais, je vois difficilement comment j’aurais pu faire mieux aujourd’hui. »

(1) Après un effort soutenu dans une montée abrupte en pas de patin, le sang ne se rend plus à ses jambes. En attendant une opération au printemps, il doit moduler sa vitesse.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.